
Mésentente entre associés d’une SCI : deux nouveaux arrêts de la Cour de cassation.
Mésentente entre associés : deux nouveaux arrêts de la Cour de cassation.
Considérée comme la base de tout contrat de ce type, la notion d’affectio societatis est au cœur de toute société et notamment de la SCI.
Mais qu’en est-il lorsque le comportement de l’un – ou le désintérêt de l’autre – la fait disparaître et laisse place à la mésentente entre associés ?
Si le retrait de la société n’est pas toujours possible (sur les conditions du retrait et du juste motif de l’article 1869 al.1 du Code civil, voir not. CIV 3, 4 avril 2019, N°17-31.052), la tentation est grande de recourir à la désignation d’un administrateur provisoire.
De manière constante la Cour de cassation rappelle que tout associé peut demander la désignation d’un administrateur provisoire à deux conditions cumulatives :
- Que la gestion de la société soit entravée soit par le gérant, soit par les associés, soit les deux.
- ET que cette entrave empêche le fonctionnement normal de la société et la menace d’un péril imminent.
La Cour de cassation vient de rendre deux arrêts intéressants pour illustrer ces conditions.
– Le premier (COM, 22 janvier 2025, N°22-20.526) concerne le but de l’action en désignation de l’administrateur provisoire.
La filiale d’une société mère souscrit un emprunt garanti par la mobilisation de tous ses titres au profit du prêteur.
Trois ans plus tard, l’associé principal de la société mère, gérant de la filiale, est révoqué de sa fonction de dirigeant.
Il assigne la société en désignation d’un administrateur provisoire.
Sa demande est rejetée comme irrecevable par la cour d’appel.
Au visa de l’article 31 du code de procédure civile, la chambre commerciale rappelle le droit de toute personne justifiant d’un intérêt légitime à agir pour demander la désignation d’un administrateur provisoire.
Mais, ajoute la haute juridiction, à condition que cette action ait pour finalité la protection de l’intérêt de la société et non la protection des intérêts personnels de l’associé.
La décision de la cour d’appel est donc approuvée et l’irrecevabilité est confirmée.
– Le second (CIV 3, 05 décembre 2024, N°23-15.487) concerne la notion de péril imminent.
Arguant de ne pouvoir obtenir des renseignements sur la société et invoquant l’absence de tenue d’assemblée générale ainsi que des irrégularités dans les comptes d’une société tierce, une épouse parvient à faire nommer un administrateur provisoire dans la SCI dans laquelle elle est associé avec son futur ex époux. Ce dernier est débouté de son appel contre cette désignation : il saisit la cour de cassation. Il reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir caractérisé l’existence du péril imminent pour la SCI. Son pourvoi est rejeté. Selon la Cour de cassation, la cour d’appel a pu déduire des faits qu’elle avait constatés « que cette obstruction systématique de M., qui empêchait Mme d’accéder à toute information relative à la société et alimentait ses soupçons sur l’existence d’éventuels détournements de biens sociaux, caractérisait un péril imminent justifiant la désignation d’un administrateur provisoire. »
Ces deux décisions confirment s’il en était besoin le souci constant de la Cour de cassation de protéger « l’être social » contre les errements potentiels des associés qui lui donnent vie. Une fois de plus, l’intérêt social ne se confond pas avec l’intérêt personnel d’un des associés !